Voyez donc, attardez-vous devant ces photographies où se dit à voix basse, confidence intime, cette vie humble, digne et pu- dique. Cette ruelle que tu arpentes, par où tu es passé à maintes reprises, trouée de lumière, découpée dans l'arcade de la nuit, lumière tombant à la droite, éclairant une porte de bois travaillée, le heurtoir apparent. Il va peut-être éveiller des présences endormies, puis sur l'un des piliers l'encadrant, une main, une main humaine, d'enfant sans doute, a tracé le contour d'un cœur transpercé, sous tes pieds ces plaques de fonte, ce sol de bosses, de galets, de fondrières, rudes aspérités, inscrivant sur tout le territoire du corps par les secousses successives, imprimées comme autant d'incisions les lettres composant une histoire archaïque. Itinéraire continué, exploration, l'œil court, la nuit noire lisse cernant une percée de lumière, les pas conduisent parfois à une vision quasi-irréelle, indécise, lointaine, étrange comme dans un rêve. Parfois, le plus souvent, une architecture s'éclaire, enfilade de voûtes, solives d'un mur à l'autre pour soutenir des treillis de roseaux et branchages propres à donner de l'ombre ; puis ce jeu de portes, une succession, solides, éloquentes, sculptées par l'érosion du temps, pages de garde d'une mémoire, fermées sur une histoire privée, à l'abri de tout regard inquisiteur. Elles sont là, données à voir en une lumière calme, silencieuse. Une haute fenêtre grillagée signe ces maisons repliées, fermées sur elles-mêmes, des pas encore, et voici, une fois le seuil franchi, la margelle d'un puits, des marches, un pied saisi dans sa montée, le poids, l'enracinement affirmé d'un être là, silhouette anonyme, allongée, enveloppée dans ses vêtements, une main, autre image, allongée sur une tâche de sang, peut-être mais on n'en est pas sûr. Tu te dis: on pourrait multiplier les détails, mais on voudrait se retenir dans la crainte de déborder la modestie voulue de ce travail, dans la crainte aussi qu'on se dise à quoi bon cette lecture de signes fragmentaires, là où il suffirait de voir. Moulay Ahmed a effacé toute démarcation entre la photographie et la peinture qu'il pratique également, les photographies sont donc comme autant de toiles, invitant le regard à les traiter comme telles, l'artiste a pris ici comme matériau privilégié la lumière et son ombre nocturnale, explorant ses virtualités plastiques, ses pouvoirs d'évocation d'éveil à l'invisible dont elle émane. Edmond Amran El Maleh
Adresse: 8, Derb Chorfa Lkabir – Mouassine – Marrakech Télephone: + 212 (0) 5 24 42 65 50 Fax: + 212 (0) 5 24 42 65 11 E-mail: reservation@marrakech-riads.com